Les arbres "têtards"

Les vieux saules sont des éléments remarquables du paysage et des "arbres-ressources" très importants pour la biodiversité. Faute d’entretien, ils se dégradent et disparaissent des paysages normands.

Pourquoi cette étrange silhouette ?

Ces arbres, d'essences diverses et communes (saule blanc, charme, chêne, érable champêtre, etc...) sont le fruit du travail de l'homme.

C'est en effet la main de l'homme qui, au fil des décennies, voire des siècles, a façonné cette allure si caractéristique. Elle est due à une taille régulière de l'arbre permettant des repousses de rejets. Ce sont les transformations liées au développement de nombreux bourrelets de cicatrisation dûs à l'étêtage périodique qui donnent à l'arbre cette forme boursouflée de larve de batracien et son nom de "têtard".

Des arbres têtards mis en alignement pour clôturer les parcelles de terrain.

De curieux arbres biscornus

Si vos pas vous conduisent un jour le long du bras de Seine vers le quai d'Orival, sur ce chemin encore sauvage, vous ne manquerez pas de remarquer ces arbres tordus, biscornus et torturés, vestiges d'un passé pas si lointain où l'homme et la nature partageaient un destin commun et vivaient en relative harmonie. Ces arbres s'appellent des "têtards".

Une taille régulière de l'arbre permet des repousses de rejets, utilisables pour la vannerie, le fourrage d'appoint des bêtes et le bois de chauffage.

Et aujourd'hui ?

L'intensification de l'agriculture qui suivit la seconde guerre mondiale modifia profondément le paysage au point que l'arbre ne fut parfois plus considéré comme utile : tantôt frein à l'agrandissement des parcelles et à la mécanisation, bois de moindre intérêt pour le chauffage, manque de main d'œuvre pour l'entretien…

C'est à cette époque que le remembrement a entrainé la destruction massive des arbres d'émondes.

Aujourd'hui, Le manque d'entretien et de désintérêt général pour la protection du patrimoine arboré contribue a accélérer la disparition de ce qui fut naguère une ressource de proximité d'un intérêt majeur.

Il reste çà et là de beaux peuplements d'arbres d'émondes mais faute d'entretien régulier, ils régressent inexorablement, cassants sous le bois non récolté. En effet, les saules poussent très vite, de l’ordre de 1,50m par an. Le bois est tendre et cassant. Les vieux saules têtards sont déséquilibrés. Le poids est énorme en tête de l’arbre, et la prise au vent les rend très vulnérables.

Les intérêts écologiques du "têtard" ?

La régulation climatique

Outre sa qualité paysagère, comme toute haie d'essences feuillues, les alignements d'arbres têtards brisent le vent, protègent les bâtiments et le bétail. D'autre part, ils ralentissent les masses d'air et diminuent les écarts de températures et répartissent ainsi les précipitations.

Notion de puits de carbone dans les troncs

Les arbres absorbent et stockent le dioxyde de carbone (CO2) de l'atmosphère. Un seul arbre peut absorber plusieurs tonnes de dioxyde de carbone au cours de sa vie.

Lorsque les arbres meurent, se décomposent ou sont brûlés, ils rejettent alors le CO2 absorbé dans l'atmosphère.

La régulation hydraulique

Sur les secteurs humides, les alignements d'arbres têtards pompent l'excès d'eau du sol au printemps et évitent ainsi les inondations.

On estime communément qu'un saule têtard restitue dans l'atmosphère 700 litres d'eau par jour en pleine saison.

Ils permettent le maintien des berges des rivières et fossés grâce à leur système racinaire développé.

Les arbres sont des puits naturels de carbone puisqu'ils l'absorbent et le stockent temporairement.

L'arbre têtard et le sol

L'enracinement profond permet la remontée d'éléments minéraux lessivés, notamment l'azote. Le recyclage des feuilles permet de restituer la matière organique à la surface du sol. Il favorise l'aération du sol, la circulation de l'eau, et par ce biais permet l'installation de micro faunes et micro flores nécessaires à un bon fonctionnement du sol.

De plus, ils permettent le maintien des berges des rivières et fossés grâce à leur système racinaire développé.

Ils ralentissent la pollution

Les arbres têtards ont un effet sur la pollution des sols en dressant des barrières physiques qui en ralentissent le cheminement vers les points bas (rivières, mares).

Ils participent aussi à l'élimination des nitrates soit par absorption directe soit par la présence de zones plus humides propices au phénomène de “dénitrification” liés (phosphates, nitrates et pesticides).

L'arbre têtard : un refuge pour la biodiversité

Les alignements d'arbres têtards sont les garants de la richesse biologique spécifique aux paysages de la Vallée de Seine. Ils constituent un habitat de vie et de circulation pour de nombreuses espèces animales dont certaines se nourrissent du bois mort et représentent à elles seules un pan très important de la diversité biologique.

Le saule est également riche en pollen, nourriture de nombreux insectes. Le Lierre grimpant, qui se développe fréquemment sur les arbres têtards, offre des fruits en hiver.

Les cavités au sein de l'arbre têtard :
pourquoi et comment ?

Dans l'ensemble des cas, l'attaque de l'arbre se fait par le centre alors que la périphérie est épargnée un certain temps. Il se forme ainsi une cavité centrale en communication avec l'extérieur et qui se remplit progressivement de terreau provenant de la désagrégation du bois, notamment les saules.

Quels avenir pour l'arbre têtard ?

L'arbre d'émonde n'a pas dit son dernier mot...

A une époque où le prix des combustibles fossiles s'envole et où l'on commercialise des appareils de chauffage au bois atteignant des rendements voisins de 90 %, le bois de chauffage, énergie renouvelable s'il en est, devrait avoir un bel avenir devant lui.

L'isolation de nos maisons est de plus en plus performante et les quelques dizaines de têtards d'une propriété, exploités selon un calendrier adapté à chaque essence, peuvent suffire à assurer une totale autonomie en matière de chauffage.

Exploitation d'un saule têtard

Plantation et formation d'arbres têtards

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